Monsieur le Président, chers collègues…
roblématique de la maîtrise et de la disponibilité des énergies constitue un enjeu majeur pour les décennies à venir, pour notre département, mais aussi bien au-delà de ses frontières comme des frontières nationales ou européennes. Nous avons, localement, le devoir d’agir pour limiter notre empreinte écologique et amorcer, dès à présent, la transition énergétique, du tout fossile vers le renouvelable, qu’il s’agisse des utilisations électriques, thermiques ou mécaniques.
Je remarque l’évolution lexicale dans l’expression du Conseil général de la Mayenne, sur l’ensemble de cette mission. Ainsi, au gré des rapports, trouve-t-on des termes comme « éco-département » ou des expressions comme « réduction de notre empreinte écologique ». Je voulais donc, en premier lieu, vous faire part du plaisir que j’éprouve à retrouver ces mots que j’ai moi-même prononcés, tout en reconnaissant que nul n’en est propriétaire. Je salue donc cette prise de conscience sémantique, tout en attendant qu’elle se traduise en plans d’actions tout aussi ambitieux.
En ce qui concerne ce rapport déchets/énergies, déjà en 2011 nous regrettions la valse des actions, l’abandon des aides au photovoltaïque au moment même où le gouvernement appuyait sur le frein des ENR.
Pour 2012, il faut reconnaître que ce programme est véritablement foisonnant, avec une multitude d’actions qui, isolément, pourraient, pour certaines, emporter notre adhésion. Mais ce programme, s’il se nourrit de l’ingéniosité et de la créativité de votre équipe technique, manque cruellement de souffle, de vision politique et de ressources budgétaires. Il répond pour l’essentiel à des obligations règlementaires, des effets de mode, des nécessités de saupoudrage et de green-washing. D’année en année, vous vous limitez à une démarche d’accompagnement, voir de suivisme. Certes, nous n’attendons pas que vous décrétiez l’indépendance énergétique de la Mayenne pour 2020, ce serait irréaliste, mais l’utopie n’étant que ce qui n’a pas encore eu lieu, nous accueillerions ce grain de folie comme l’augure du changement de votre référentiel en la matière. En attendant, se borner à se demander comment arriver à 20% (voire 25%) d’ENR ne constitue pas un objectif en soi, une conduite politique à la hauteur des enjeux ; alors que les 30% minimum sont atteignables en jouant notamment, et en complément, sur les économies d’énergie et la mise en chantier rapide d’un plan départemental d’isolation et d’efficacité énergétique des bâtiments, à commencer par ceux du bailleurs social du département, comme le rappelait JC Boyer vendredi dernier.
Dans le même esprit, l’enveloppe fermée de 60 000 € pour soutenir l’investissement des collectivités dans l’installation de chaudières à bois déchiqueté nous apparaît bien timorée.
Nous regrettons aussi fortement l’attitude du CG envers la SCIC Bois Energies de Haute Mayenne. Alors que vous avez octroyé 140 000 € cash à Lactalis l’année dernière, puis cette année 100 000 € cash à la clinique vétérinaire de Meslay du Maine, pour la SCIC de Haute Mayenne qui prend une envergure départementale, vous proposez seulement une avance remboursable de 50 000 €. Il y a donc deux poids deux mesures selon qu’il s’agisse de structures de l’économie conventionnelles qui recueillent votre faveur ou d’initiatives qui relèvent de l’économie sociale et solidaire et vous sont plus étrangères, voire étranges au regard de vos références idéologiques. C’est particulièrement paradoxal, puisque celle-ci répond aux objectifs que vous affichez, qu’elle participe à la structuration de la filière bois départementale, qu’elle est porteuse d’avenir, d’emplois locaux, qu’elle invite à mieux exploiter nos ressources, qu’elle motive les réaménagements bocagers et forestiers constructifs et, qu’à terme, elle permettra de dégager des revenus complémentaires pour les agriculteurs et de vivre la ruralité autour d’une économie diversifiée et durable.
Pour clore le volet énergies, nous réclamons encore et encore -mais comment faut-il le dire pour être entendus ? – après le débat sur la THT que vous avez obstinément refusé, que le CG participe, et même soit à l’initiative d’une étude épidémiologique concernant les effets des champs électromagnétiques dus aux THT sur les hommes et les exploitations. D’ailleurs, demain se réunit le comité de suivi interdépartemental des engagements de l’Etat et de RTE, à la préfecture de la Mayenne. Le CG de la Mayenne y est-il représenté, et quel sera sa position pour soutenir les collectivités locales contre ces deux géants ? Serez-vous, comme nous l’espérons aux côté du pot de terre ?
Sur le thème des déchets, là aussi, le programme souffre de trop de pragmatisme, se résume majoritairement à des démarches d’accompagnement et d’optimisation, souvent uniquement financières, des solutions préexistantes.
Je vous rappelle notre position déjà par deux fois énoncée : que le CG apporte 1 € quand une collectivité engage 1 € dans ce que vous appelez vous-même le meilleur déchet – celui qu’on ne produit pas. Cette proposition va au-delà du Plan Départemental de Prévention des Déchets financé par l’Ademe ; en effet, dans leurs Programmes Locaux de Prévention des Déchets, certaines collectivités complètent les financements de l’Ademe en activant les ressources de leurs budgets annexes pour rendre leurs actions plus percutantes et, nous l’espérons, plus efficaces. La répartition coût de collecte et coût de traitement étant proche du 50/50, cela nous paraitrait équilibré et juste.
Car depuis la révision du PEDMA, que nous avions adopté à l’époque pour y avoir contribué activement, la réalité de terrain montre que le non renouvellement du four N° 1 du CVED de Pontmain en 2017 est possible. Difficile, car il nous faudra réduire nos OM résiduelles à 100 Kg par habitant et par an. Difficile mais réalisable si nous arrivons à dérouter l’essentiel des matériaux valorisables de nos poubelles vers les filières de recyclage, concomitamment à la réduction drastique de la fraction fermentescible et à l’adoption collective de stratégies éco-citoyennes, en termes de production, de distribution et de consommation. Nous respecterions, du coup, les orientations du Grenelle qui préconise de valoriser en premier lieu sous forme matière et en dernier recours sous forme énergétique, avec une réduction de cette pratique.
Ensemble c’est plus simple, plus efficace
Mais pour y arriver, le CG doit assumer crânement son rôle de chef de file, donner du souffle et de l’élan, créer une véritable tempête de développement durable sur le département, emportant dans un même courant solidaire l’ensemble de nos collectivités, l’ensemble des citoyens et des acteurs, y compris les plus sceptiques. Ensemble c’est plus simple, plus efficace ; le CG, en adoptant une attitude de pointe doit pouvoir balayer les craintes et convaincre ceux qui doutent, conforter ceux qui créent, à l’image des quelques collectivités mayennaises qui osent prendre des risques en bousculant les habitudes de leurs administrés, avec des résultats très encourageants qui ne demandent qu’à s’étoffer.
Avant de conclure, je souhaitais vous faire remarquer que, dans certains domaines, souvent ceux qui confortent les orientations productivistes que nous subissons depuis l’après-guerre avec leur cohorte de dommages collatéraux systématiquement ignorés ou minorés, vous prenez les devants sans précaution. Je pense au financement que vous inscrivez dès cette année, à hauteur de 20 %, des études sur les projets de méthanisation, alors que le groupe de pilotage qui doit fixer les règles pour éviter les effets pervers, valider la cohérence départementale de ce qui ressemble plus aujourd’hui à un engouement d’opportunité financière, et nommer les conditions de l’intérêt général et durable de ces installations à la mode, n’a pas encore commencé à travailler. J’émets de fortes craintes à se jeter tête baissée dans ce qui pourrait n’être finalement, si l’on n’y prend pas garde, qu’une pompe à bénéfice pour des opérateurs privés et une lubrification para-écologiste des pratiques intensives de l’agroalimentaire, avec la tentation de produire ou accueillir des déchets supplémentaires, voire de cultiver les compléments nécessaires à l’alimentation des digesteurs pour en assurer la performance et donc la rentabilité.
Vous l’aurez donc compris, cette année encore, nous ne voterons pas le programme « déchets/énergies » que vous nous proposez.
Non pas pour ce qu’il est, mais pour ce qu’il n’est pas.