L’aéroport de Kassel en Allemagne

Nous vous proposons la traduction d’un article de Thomas Holl publié dans le Frankfurter Allgemeine Zeitung du 27 mars 2013

L’aéroport de Kassel[1] : ce qui nous paraît grand et important…

Article de Thomas Holl publié dans le Frankfurter Allgemeine Zeitung[2] du 27 mars 2013

Avant même l’ouverture de l’aéroport de Kassel, des vols ont été supprimés par manque de passagers. Tandis que les Verts (die Grünen) y voient le signe d’un fiasco, le gouvernement régional continue à croire fermement au projet.

Ces jours-ci, Jörg-Uwe Hahn[3] aime bien râler contre les dilapidateurs et les dilettantes berlinois qui, en raison du système de péréquation entre les Länder, gaspillent les milliards des contribuables hessois pour leur aéroport bâti sur le sable de la Marche de Brandebourg[4] qui accumule les pannes[5]. La plupart du temps, se réjouissant du malheur des autres, le secrétaire général du FDP hessois et vice-ministre-président[6] dit : « Nous, nous savons construire des aéroports ». A partir du 4 avril, Hahn peut se réjouir de l’ouverture de l’aéroport hypermoderne situé non loin de Kassel, sa ville natale, qui a coûté environ 271 millions d’euros au contribuable hessois mais qui a été terminé à temps et sans vices de construction. En compagnie de nombreux invités issus du monde politique et économique, Hahn et le ministre-président Volker Bouffier (CDU) procéderont à l’inauguration par un premier vol entre Francfort-sur-le-Main et le nouvel aéroport régional Kassel-Calden[7] vanté comme projet phare et créateur d’emplois. Seul le secrétaire général des Verts hessois n’assistera pas à l’événement. « Je n’ai pas envie de fêter un gaspillage de 271 millions d’euros », dit Tarek Al-Wazir.

Lorsque le projet a été présenté au Landtag[8] il y a presque douze ans par l’ancien ministre des Transports Dieter Posch (FDP), les coûts estimés pour le Land se montaient seulement à environ 70 millions d’euros. On devait agrandir le modeste site d’atterrissage de la commune de Calden par une piste de décollage et d’atterrissage de 2500 m de long et par une aérogare pour en faire un aéroport régional performant accueillant hommes d’affaires, touristes en partance pour la Méditerranée et fret. Au fil des ans, les coûts de construction n’ont cessé d’augmenter jusqu’à atteindre 271 millions, dont 233 sont à la charge du Land. Jusqu’ici, malgré une recherche intensive y compris au niveau international, le Land n’a pas pu trouver d’exploitant privé ou de co-investisseur pour l’aéroport.

Quasiment aucune demande pour Kassel-Calden

Au cours des années à venir, les principaux financeurs seront donc le ministre des Finances Thomas Schäfer (CDU) ou ses successeurs. Il y a quelques jours, Schäfer, président du conseil d’administration de la FKG (société aéroportuaire de Kassel), a mis un bémol aux espoirs selon lesquels des investisseurs privés participeraient bientôt au projet : « Nous avons constaté que dans la situation économique actuelle, le marché ne permet pas de trouver de coassocié privé. » « Pour les Verts, de telles déclarations confirment les prévisions des spécialistes du trafic aérien : il n’y a pas de demande pour Kassel-Calden et les années à venir pourraient être bien pires pour les contribuables hessois. »

D’ici 2020, l’aéroport devra enregistrer plus de 600 000 passagers par an afin d‘être durablement rentable. Mais l’aéroport, soutenu par l’ancienne coalition gouvernementale (CDU et FDP) de Roland Koch (CDU) avec l’aide du SPD (parti social-démocrate), risque de connaître dans les prochaines années le même sort que d’autres aéroports régionaux. Le gouvernement régional de Rhénanie-Palatinat (coalition SPD et Grüne) a dû par exemple faire voter à la hâte par le Landtag un budget supplémentaire afin de sauver de la faillite en y injectant 120 millions d’euros l’aéroport de Hahn (situé dans le Hunsrück) qui est en permanence déficitaire. Cet ancien aéroport militaire américain[9] est maintenu en activité comme projet d’infrastructure depuis 1994, sans financement privé, afin de garantir 8000 emplois.

Sans subventions du budget régional, l’aéroport de Kassel-Calden ne pourra pas non plus fonctionner. Suite à une interpellation des Verts au Parlement, Schäfer a donné les premiers chiffres sur le montant de « compensation des pertes » par le Land. Pour 2012 et 2013, sont prévus respectivement 6,61 millions d’euros de pertes et 3,68 millions d’euros de déficit, c’est le Land qui devra les compenser. D’après Schäfer, il n’est pas prévu de plafonner cette compensation des pertes. Selon lui, l’aéroport pourrait « faire des profits au plus tôt dans cinq ans ». Mais le Land espère « que les pertes initiales se réduiront d’année en année ».

En tout cas, pour le premier vol régulier d’un Boeing de la compagnie Germania le 4 avril à destination de la station balnéaire turque d’Antalya, il y avait encore beaucoup de places disponibles la semaine dernière. Selon nos sources, seuls 30 sièges sur 180 étaient occupés. Pour l’instant, le programme de vol prévoit 20 atterrissages et 22 décollages par semaine. De mi-avril à octobre, les avions de 180 places devraient décoller essentiellement vers la Méditerranée. A part Germania, Croatia Airlines et la compagnie turque de charter Tailwind décollent aussi de Calden. Tailwind a déclaré cependant que le premier vol régulier prévu le 5 avril pour Antalya serait annulé par manque de réservations. Selon le journal Göttinger Tagblatt, les six passagers vont être emmenés dans deux taxis à l’aéroport de Paderborn, situé à 71 kilomètres, où décolle aussi un avion pour Antalya.

Traduction par Claudine Layre. Toutes les notes sont de la traductrice.

http://www.faz.net/aktuell/politik/inland/kasseler-flughafen-was-uns-gross-und-wichtig-erscheint-12130496.html

 



[1] Kassel ou Cassel : ville située dans le Land (région) de Hesse, où se trouve aussi Francfort-sur-le-Main. La capitale régionale est Wiesbaden.

[2] Frankfurter Allgemeine Zeitung (FAZ) : un des deux plus grands journaux conservateurs allemands, l’autre étant Die Welt.

[3] Jörg-Uwe Hahn : ministre hessois de la Justice, membre du FDP (parti libéral). Le Land de Hesse est dirigé depuis 2009 par une coalition entre la CDU (chrétiens démocrates) et le FDP.

[4] La ville de Berlin constitue un Land mais se situe géographiquement dans le Land du Brandebourg, en grande partie sablonneux.

[5] Pannes : allusion au nouvel aéroport de Berlin (dépassement des coûts, mise en service retardée, etc.).

[6] Ministre-président : l’Allemagne est un Etat fédéral. Chaque Land (région) est gouverné par un ministre-président et un parlement régional (Landtag).

[7] Calden est une commune située à environ 12 km de Kassel.

[8] Landtag : parlement régional (en raison du fédéralisme, un Landtag allemand a beaucoup plus de pouvoir qu’un Conseil régional français). Les ministres dont il est question dans l’article sont tous des ministres régionaux.

[9] Aéroport militaire américain : jusqu’à la réunification (1990), de nombreuses troupes américaines étaient stationnées en RFA et des troupes soviétiques en RDA.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *