Retour sur un samedi de fête à NDDL

Avec Michel Perrier, retour sur un samedi de fête à Notre-Dame-des-Landes. En janvier dernier, le 17, Édouard Philippe a annoncé qu’il était décidé de renoncer à ce projet d’aéroport de Notre-Dame-des-Landes que Michel Pierrier qualifie « d’un autre temps ». C’est une « décision politique courageuse » dit-il , mais « ce n’est pas une surprise » : à partir du moment où l’optimisation de l’aéroport actuel était sérieusement étudiée, la quasi-totalité des spécialistes de l’aérien considérait en effet que l’aménagement de l’aéroport actuel de Nantes-Atlantique était une meilleure solution, moins coûteuse financièrement, moins destructrice de façon environnementale.

Combien étions-nous ce samedi 10 février 2018 ? Selon la police 8 500, selon les organisateurs 30 000. Très très nombreux en tout cas, malgré la gadoue, et bien plus que les partisans du projet (300 maximum à Bouguenais au même moment). Les opposants mayennais avaient leur car (52 au total, ce qui a provoqué un bel embouteillage au retour), et de nombreuses voitures ont fait aussi l’aller et le retour…

Le rassemblement est resté très festif, carnavalesque même. Les dragons ont fait leur parade, très appréciée des présents, et mis le feu à un avion en bois et à une effigie de Gérard Collomb, le ministre de l’intérieur.

9 février : la Déclaration d’Utilité Publique est close

Depuis dix ans, la Déclaration d’Utilité Publique du projet d’aéroport à Notre-Dame-des-Landes devait permettre aux aménageurs de le concrétiser. Hormis les expropriations de terres, rien n’a avancé sur le terrain grâce aux oppositions de toute sorte. Dans l’attente de la décision gouvernementale, les opposants avaient de toute façon décidé d’organiser un rassemblement le lendemain cette date soit pour continuer à mobiliser contre le projet, soit pour célébrer la préservation de ce bocage, avec toutes celles et ceux qui ont accompagné cette longue histoire ainsi que celles et ceux qui ont envie de le découvrir.

Sur place, la décision gouvernemental a crée les conditions d’une fête magistrale. Mais personne n’oublie qu’Édouard Philippe a annoncé aussi sa volonté de mener à bien des expulsions au printemps, après le 31 mars. Le rassemblement du samedi 10 février a donc servi à poser les prochains jalons de l’avenir de la ZAD de Notre-Dame-des-Landes. Les manifestants affirment avec détermination : La nécessité pour les paysan-ne-s et habitant-e-s exproprié.e.s de pouvoir recouvrer pleinement leurs droits au plus vite.

« Enracinons l’avenir ! »

Voici aussi ce que les manifestants souhaitent. Refusez toute expulsion de celles et ceux qui sont venu.e.s habiter ces dernières années dans le bocage pour le défendre et qui souhaitent continuer à y vivre ainsi qu’à en prendre soin.

Une volonté de prise en charge à long terme des terres de la ZAD par le mouvement dans toute sa diversité – paysans, naturalistes, riverains, associations, anciens et nouveaux habitants. Avec le besoin, pour le mettre en œuvre, d’une période de gel de la redistribution institutionnelle des terres ; Le désir partagé que ce territoire reste un espace d’expérimentation sociale, environnementale et agricole. Tous les mots ont un sens précis et collectif. C’est le nouvel enjeu. La vie sur place après l’aéroport, cela intéresse chacun des manifestants.

L’expérience et les leçons du Larzac reviennent souvent dans les discussions, avec la création d’un groupement foncier agricole (GFA). Plusieurs nouveaux habitants, les médias parlent d’ «  irréductibles zadistes » ne partagent pas cette orientation ; des désaccords se sont d’ailleurs exprimés à la tribune. Il faudra du temps, et du débat, pour trouver et mettre en place des solutions acceptables par tous. Mais les engagements pris par le mouvement anti-aéroport ont été tenus :la RD 81 est « libérée » et va être ouverte à la circulation quand le Conseil départemental le décidera.

Retour sur quelques réactions mayennaises

Tout le monde s’attendait aux cris d’orfraie des « grands » élus nantais et régionaux. C’est sans doute la logique du « jeu » politique tel qu’ils le conçoivent. Plus surprenant, en Mayenne, hormis la députée Géraldine Bannier, ce fut la même hallali avec des sommets d’hypocrisie… Un seul exemple : Élisabeth Doineau, sénatrice UDI, qui avait combattu le projet devant l’assemblée régionale car il « déséquilibre le développement territorial ligérien  » [1], ose en parler à présent comme d’un « projet structurant pour l’avenir » [2].

Mais, ces « responsables » espèrent surtout récupérer des financements de l’État, et se précipitent sur leur liste de courses. François Zocchetto n’a pas attendu pour demander des subventions concernant une gare fret à St Berthevin et une 3e échangeur autoroutier à Argentré. Olivier Richefou réclame l’agrandissement en 4 voies de la route entre Laval et Angers. Rien à voir avec le secteur aérien et les échanges internationaux…

La logique voudrait que les budgets prévus pour l’aéroport de NDdL et ses infrastructures connexes soient priorisés pour la modernisation de Nantes Atlantique et son accès (desserte en transport collectif ) et les relations ferroviaires entre les villes de l’arc atlantique (Rennes, Nantes, Bordeaux). Le gouvernement évitera-t-il le saupoudrage clientéliste ?

« Il est temps d’atterrir »

Au delà de l’abandon nécessaire du projet d’aéroport, et de l’avenir du territoire directement concerné, pour de nombreux écologistes, le défi climatique et la mise en question du transport aérien sont les oubliés de la décision gouvernementale. L’aéroport de Nantes Atlantique augmentent son nombre de passagers de plus de 10% chaque année, et ce n’est pas le seul, alors que le déplacement en avion est le plus polluant et le plus émetteur de gaz à effet de serre ! Dans le même temps, le gouvernement a l’objectif de diviser par 4 les émissions de GES de la France…

Scandaleusement, et dans une totale opacité, le kérosène reste le seul carburant complètement détaxé (ni TVA, ni Taxe Intérieure sur la Consommation des Produits Énergétiques). Jusqu’à quand les citoyens devront-ils accepter des subventions déguisées en faveur des plus aisés et qui détériorent encore plus le climat ?

L’abandon de l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes est une victoire écologiste exceptionnelle, historique même pour une nouvelle génération. Mais il ne doit pas devenir l’arbre qui cache la forêt. De nombreux combats restent à mener !

(1) session du 18 octobre 2010, E. Doineau intervient au nom du groupe Alliance Centriste, seul groupe avec les écologistes à s’opposer au financement de l’aéroport de Notre Dame des Landes.

(2) Cf cet article publié sur leglob-journal

http://leglob-journal.fr/Comme-un-dimanche-a-la-campagne