A la demande de nos élu-es régionaux, nous relayons leur témoignage.
« Notre groupe privilégie toujours la stratégie « douce » pour faire bouger les lignes quand c’est possible. En général, nous communiquons en cas d’échec, quand nos demandes sont ignorées. Pour une fois, nous voulions partager notre travail de l’ombre. Pour vous dire que nous sommes mobilisé-e-s, bien au-delà de ce que vous pouvez lire ici ou là. L’exemple des modalités de versement des aides régionales.
Le rôle d’élu-e dans une minorité, dans le cadre institutionnel actuel, peut être assez ingrat : peu d’accès à l’information, peu de possibilités de participer à la construction des politiques publiques, position de commentateurs de rapports ficelés en amont des commissions et qui seront votés quoi que l’on dise…
Et puis, il y a des dossiers où l’on arrive à apporter une plus-value. Où l’on sent que l’on a été utile. Souvent, on n’en parle pas, car la négociation réussie en coulisse a pour prix une discrétion en public. C’est donc à titre assez exceptionnel que nous allons partager une satisfaction… parmi d’autres.
Nous avons été alertés il y a quinze jours que le Conseil régional avait modifié ses modalités de versement des avances concernant les subventions à ses partenaires, les nouvelles règles entrant en vigueur à compter du 1er janvier 2018.
En fait, tout ceci avait été voté « en catimini » lors de la session budgétaire de décembre via l’adoption d’un nouveau règlement budgétaire et financier. Nous n’avions pas eu le temps d’analyser ce règlement dans le détail et le rapport de présentation ainsi rédigé de nous a pas inquiété-e-s : « Les modifications apportées permettent une meilleure lisibilité sur le contenu des dossiers de demandes d’aides et sur la durée de validité de ces contributions financières une fois attribuées. Une réflexion particulière a été menée sur les modalités de versement pour les simplifier et les harmoniser ».
Jusqu’à présent, pour les aides aux partenaires de la Région d’un montant supérieur à 4000 euros, un versement en deux fois était envisageable : une avance maximum de 50% du montant de l’aide dès notification de l’arrêté ou signature de la convention et le solde sur présentation d’un état récapitulatif des dépenses acquittées. Le nouveau règlement prévoit, pour les aides entre 4000 et 150 000 euros, une avance de seulement 20%. Des acomptes seront ensuite possibles sur justification de la réalisation des actions en des termes différents en fonction de la nature de la subvention « investissement ou fonctionnement ».
Une fois ce diagnostic posé, nous aurions pu faire un ramdam dans la presse, crier au loup, et au final politiser le débat, ce qui risquait d’aboutir à une situation de blocage. Situation qui aurait desservi les partenaires de la Région. Nous avons donc opté pour une stratégie de « lobbying » et commencé par informer nos contacts associatifs de la situation. La plupart n’était pas au courant : aucun dialogue de gestion n’avait été engagé sur ces nouvelles modalités avec les partenaires de la Région, de telle sorte qu’ils ont découvert à réception de notre alerte les nouvelles conditions partenariales avec le Conseil régional, soit trois mois après leur adoption.
Après consultation de différents partenaires dans des champs variés de l’action régionale, nous avons constaté que ces nouvelles modalités mettaient en difficulté plus ou moins grave plus de huit partenaires sur dix :
- Insuffisance de trésorerie pour engager les actions sans avance ;
- Poids administratif des demandes intermédiaires d’acomptes ;
- Nécessité de recourir à des prêts pour pallier la faible avance.
Nous avons invité les structures à alerter de la situation les élu-e-s de la majorité, dont la plupart n’étaient pas au courant non plus. Comme nous, ils n’avaient pas épluché le nouveau règlement budgétaire et financier. En parallèle, nous avons alerté les membres du Conseil économique, social et environnemental régional (CESER), qui a voté un vœu soutenant une modification du règlement. Puis, nous avons préparé une question orale pour la session du 22 mars : : http://ecologistecitoyen-crpdl.fr/wp-content/blogs.dir/893/files/2018/03/Question-orale-EC-Nouvelles-modalités-de-versement-des-aides-régionales.pdf.
Au final, notre stratégie a été payante. Certes, nous n’avons pas obtenu la modification du règlement, mais le vice-président en charge des finances, Laurent Dejoie, nous a répondu que la majorité avait la volonté d’une gestion souple des aides régionales. Il nous a renvoyé à l’article 17 du règlement budgétaire et financier :
« Le Conseil Régional donne délégation à la Commission permanente dans l’intervalle de ses sessions pour :
– modifier les règles d’attribution des aides régionales ;
– préciser, adapter ou déroger en tant que de besoin ces dispositions lorsque cela est justifié.
Toute dérogation aux présentes règles devra faire l’objet d’une mention de celle-ci dans la délibération en précisant à quelle disposition il est souhaité de déroger. »
Il nous a assuré que les services seraient attentifs aux demandes de dérogations et feront leur maximum pour faciliter les démarches aux partenaires, en particulier quand les nouvelles modalités d’intervention mettent en difficulté les structures concernées (ses termes exacts : « si l’avenir de l’association en dépend »). Il s’est aussi engagé à ce que d’ici un an les nouvelles modalités de versement soient évaluées.
Ce sont des heures de travail qui ont permis ce résultat. Faire de la politique, contribuer à la vie de la cité, exige temps et patience. Mais cela vaut le coup quand on peut contribuer à faciliter la vie de celles et ceux qui par leurs actions de terrain contribuent au quotidien à l’intérêt général. »
Sophie BRINGUY, le 26 mars 2018