La semaine passée nous annoncions la convocation de Brigitte Héridel sur plainte d’un officier de police judiciaire et d’un huissier de justesse à la suite d’un échange de propos lors de l’évacuation d’un camp de Roms dans la commune de Vertou où elle est élue.
A l’issue de son audition notre amie a rédigé un compte rendu de ce moment particulier au service des recherches de la gendarmerie des Pays de la Loire lundi dernier.
« J’ai été convoquée, ce jour, pour avoir commis l’infraction d’outrage à personne dépositaire de l’autorité publique, en l’espèce un commandant de gendarmerie et un huissier présents lors de l’expulsion des Roms du terrain privé qu’ils occupaient à Vertou,le 4 mars 2019.
« J’ai été entendue par le lieutenant Busso et un autre gendarme qui ne s’est pas présenté. Il m’ont demandé de raconter ma vie. J’ai dit que j’étais retraitée mais qu’auparavant j’étais Inspecteur des Affaires Sanitaires et sociales et que j’avais fini ma carrière comme directeur adjoint à la DDASS de Loire-Atlantique, chargée du pôle santé publique. J’ai également expliqué que « femme de marin » j’avais élevé mes 3 enfants avec un mari absent 7 mois par an, ce qui explique sans doute mon caractère affirmé !
« J’ai expliqué que j’étais très investie sur le soutien aux populations précarisés, en tant que membre d’ATD Quart-Monde et que j’avais été prévenue de la présence des Roms sur Vertou par des amis membres de la ligue des droits de l’homme.
« Qu’à partir du moment où j’ai eu connaissance de leur présence je suis venue sur le terrain pour leur venir en aide notamment pour tout ce qui concernait les questions de santé, de recours au droit commun et à la scolarisation des enfants.
« En tant qu’élue d’opposition à Vertou j’ai pris contact avec le CCAS de la commune afin d’obtenir la domiciliation des familles et faciliter ainsi la scolarisation. Durant les 3 mois de leur présence à Vertou, ces démarches n’ont pas abouti et les familles n’ont pas eu la possibilité de scolariser les 32 enfants qui étaient sur le terrain.
« Durant toute la durée de leur présence à Vertou j’ai noué des liens très chaleureux avec les familles ou j’étais accueillie autour d’un café très régulièrement.
« Pour cette raison j’ai très mal vécu l’expulsion. Avec quelques personnes qui s’étaient mobilisées en soutien, notamment des personnes du secours catholique et d’Amnesty international, j’ai essayé d’obtenir des délais pour que les roms ne soient pas expulsés sans proposition de relogement ou réinstallation sur un terrain légal. Celà n’a pas été possible et l’huissier venu avec les gendarmes pour procéder à l’expulsion ne nous a pas remis en mains propres le commandement afin que nous puissions intervenir auprès du propriétaire du terrain pour obtenir un délai.
« Les gendarmes s’étaient dispersés sur le terrain pour accélérer l’expulsion, frappant aux portes des cabanes et j’ai été très choquée de voir les femmes, notamment, sortir des caravanes avec leurs pauvres baluchons, des bébés enroulés dans des couvertures. Il faut rappeler que le temps ce jour là était particulièrement mauvais avec des bourrasques de vents, une forte pluie et que les pauvres affaires personnelles se sont retrouvées par terre dans la boue. Les femmes essayaient de sauver ce qui pouvait l’être en transportant sur leur dos leur matériel ménager et j’ai très mal pris les sourires narquois des jeunes gendarmes lorsqu’un frigo transporté ainsi est tombé sur le sol détrempé.
« C’est à ce moment là, et sous le coup d’une émotion très vive que j’ai lancé aux gendarmes que cela me rappelait la rafle du Vel d’Hiv.
« Le commandant de gendarmerie m’a prévenu que pour cette parole il porterait plainte contre moi.
« Voilà ce que j’ai déclaré ce matin.
« A la fin de mon audition le lieutenant m’a demandé si je voulais ajouter quelque chose, j’ai dit qu’en temps que militante des droits de l’homme j’étais très inquiète de la situation rencontrée actuellement par les roms et les migrants dans notre pays et en Europe.
« Le dossier va être transmis au procureur de la république qui prendra sa décision de poursuivre ou pas. Le lieutenant a résumé la situation en disant que ce n’était pas l’affaire du siècle. Il m’a demandé si j’étais coutumière de ce genre d’attitude, j’ai dit que non et que mon casier judiciaire était vierge. »